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Julien Voultoury, membre de la FACT, paysagiste aquatique présent depuis le début du mouvement en France, a obtenu une place d’excellence cette année en entrant dans le prestigieux top 27 de l’international aquatic plants layout Contest organisé par Takashi Amano. Cette quinzième place est une reconnaissance internationale d’un travail parfaitement pensé et réalisé de la conception à la prise de vue finale. Une œuvre qui nous fait véritablement oublier que nous sommes  face à un aquarium et nous transporte dans une rivière imaginaire.

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Bonjour  Julien!

Nous tenons tout d’abord à vous féliciter pour votre place obtenue à l’IAPLC 2014!  15ème  sur plus de 2400 participants. Il  s’agît dune véritable performance. Nous reviendrons sur ce projet au cours de notre discussion.

Pouvez vous nous parler un peu de vous? Quel âge avez-vous, où vivez-vous, quelle profession exercez-vous et depuis quand pratiquez-vous  ce hobby passionnant?  

J’ai 36 ans. Je vis dans la Vienne (86) dans un village proche de Poitiers. Je suis médecin dans un centre hospitalier où je pratique la réanimation. J’ai commencé l’aquariophilie il y a 10 ans, par accident, pourrait-on dire, étant donné que c’est mon épouse qui voulait que nous ayons un aquarium.Puis, en parcourant internet, j’ai été fasciné par les paysages aquatiques que j’ai découverts.

Combien d’aquariums avez-vous actuellement en maintenance et combien de temps leur dédiez vous? 

Actuellement, je ne possède qu’un seul aquarium en eau chez moi et ça a toujours été le cas. Concernant la maintenance, j’ai développé, au fur et à mesure de ma pratique, une manière de réduire au maximum la charge en entretient du bac, que ce soit en terme d’énergie, en terme de temps ou en terme d’argent. Elle repose essentiellement sur la contrainte d’un éclairage faible et des plantes peu exigeantes à croissance lentes, donc des besoins en CO2 et en engrais faibles. L’utilisation d’un sol technique m’est donc également peu utile.

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Quel est, dans vos réalisations, l’aquarium dont vous êtes le plus fier et pouvez  vous nous expliquer pourquoi?

Ma dernière réalisation, « Le souffle de Hadés », est actuellement ma préférée. Le rendu final réalise à peu de chose près la vision que j’avais du projet initial. L’arrangement collait vraiment bien à la population choisie et je trouve l’effet naturel satisfaisant.

Vous donnez des titres très particuliers à vos projets. Pouvez vous nous en dire un peu plus  à ce sujet?

Quand je crée un paysage, j’imagine également dans le même temps une histoire  dont les habitants du bac sont les héros, en quelque sorte. J’essaie vraiment de faire en sorte que les gens qui regardent la photo du paysage créé; arrivent à imaginer une histoire. Pour moi, il ne faut pas que les gens s’arrêtent à une image statique mais imaginent du mouvement, une scène vivante. Le titre doit donc ouvrir une porte vers cela sans toutefois enfermer le spectateur dans ma vision.

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Maintenant si vous n’y voyez pas d’inconvénients pouvez-vous répondre à quelques questions d’ordre technique :

Considérez vous la filtration comme une partie importante?

Oui, très importante ! Pourtant, mon filtre externe est tout ce qu’il y a de plus standard sauf que mon dénivelé est constitué d’Aqualite (équivalent pouzzolane). Ce substrat est donc présent en très grande quantité, fonctionnant comme un filtre biologique géant grâce à un très bon brassage assuré par le filtre et une pompe de brassage (1900 litre/heure de brassage par heure pour un volume de 200 litres nets).

 Que considérez-vous également comme très important lorsque que  vous entamez  la réalisation d’ un aquarium? 

L’utilisation d’un sol déjà « cyclé », une durée d’éclairage limitée et la bonne dose de CO2 et d’engrais.

Avez vous un type de plantes et une espèce de poisson favoris? 

Les plantes à croissances lentes sont mes préférées, surtout les épithytes type Anubias, Microsorum et Bolbitis. Pour ce qui est des poissons, je n’ai pas de préférence particulière même si j’avoue avoir un faible pour les cichlidés nains et les labyrinthidés.

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Pouvez vous nous expliquer brièvement la façon dont vous réglez vos aquariums dès le départ? Comment utilisez vous la lumière? Quels sont vos rythmes de changements d’eau jusqu’à ce que l’aquarium atteigne la maturité? Est ce que vous considérez l’apparition des algues comme normal et que faites vous  à ce moment là? 

La durée d’éclairage est de 6 heures par jour. Comme je l’ai dit tout à l’heure, l’éclairage est faible (108 Watts pour 240 litres bruts). Pour le reste, je fertilise d’emblée étant donné que  je n’utilise pas ou très peu de sol technique. Je change 30 litres d’eau par semaine au début puis, une fois le bac stabilisé, j’espace les changements d’eau… beaucoup… Concernant les algues, je ne m’inquiète jamais quand je constate leur présence en quantité limitée au lancement d’un bac et après la refonte complète d’un arrangement, je fais juste en sorte que les besoins des plantes soient satisfaits. En général, je constate qu’elles disparaissent souvent d’elles-mêmes, aidées également par des ajouts réguliers de Permanganate de Potassium.

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Concernant votre philosophie:

D’où vient votre inspiration?

Les paysages que je crée proviennent directement de mon imaginaire. Il est ensuite bien difficile de dire ce qui influe sur mon imaginaire mais ce doit être un mélange de plusieurs choses : les innombrables paysages aquatiques déjà créés par les plus grands noms mais également par les moins grands noms, les paysage naturels que j’ai vu de mes yeux, les photos de nature, le cinéma, les romans que j’ai lus qui ont générés de nombreuses images dans mon esprit et probablement beaucoup d’autres choses aussi.

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De quelle manière procédez-vous pour réaliser votre paysage?

En ce qui me concerne, c’est un processus long et qui comprend plusieurs phases. Régulièrement, des paysages se créent dans mon esprit. Dès lors que l’un d’entre eux persiste sur plusieurs semaines alors il devient un futur projet. Bien souvent, je réalise un schéma (grossier…) pour le matérialiser. Ce n’est que plusieurs mois après, une fois que l’idée a pris beaucoup de maturité et que j’ai bien réfléchi à toutes les contraintes et à la manière de planifier la construction du hardscape et la plantation que je passe à l’action.

La phase de réalisation, proprement dite, est une phase moins étalée dans le temps mais très éprouvante physiquement dans la mesure où je la réalise sur plusieurs journées pleines d’affilée durant lesquelles je commence tôt le matin et je fini tard dans la nuit. En effet, elle se déroule avec l’aquarium en eau pour des raisons de contraintes personnelles et il s’agit donc d’être prudent quant au fait de ne pas tuer une partie de la population.

En conséquence, le démontage du précédent paysage est donc d’abord l’étape la plus fastidieuse : Tout d’abord, les plantes sont retirées, nettoyées et triées puis il s’agit ensuite de retirer les éléments du hardscape dans l’ordre approximativement inverse à celui de la construction pour éviter tout éboulement tout en retirant par phases le substrat qui avait servi à la création de terrasses. puis il me faut nettoyer les éléments de hardscape que je prévois de réutiliser. Cette phase me prend au total 16 à 20 heures en moyenne !

Vient ensuite la phase la plus exaltante : celle de la création du nouveau paysage. Tout d’abord, je prend mes repères pour définir le point de fuite, le point focal et je trace des lignes de force à l’aide de scotch transparent collé sur la vitre avant. Là, je procède par étape en commençant souvent de l’avant plan vers l’arrière plan. A chaque pierre posée ou racine posée, j’imagine la place que prendront ensuite les plantes et les mousses qui soit cacheront les zones inesthétiques mettront en valeur les zones souhaitées. Le cas échéant, je ressort la pierre pour coller les mousses sur le nouvel élément et je prend garde à laisser des espaces pour la plantation prévue. Pendant toute cette phase, je prend des clichés à intervalle régulier pour vérifier le rendu photographique et effectuer des ajustements au besoin. Une fois le hardscape terminé, il me reste à effectuer la plantation et les finitions par le biais de l’ajout de détails visuels permettant une bonne cohérence visuelle de l’ensemble. Cette me prend une bonne trentaine d’heure au final et me laisse épuisé par manque de sommeil.

Bien entendu, des défauts de conception apparaissent par la suite au cours des mois suivants, détectés par mes coéquipiers ou par moi-même et font l’objet d’ajustements permanents jusqu’à la photographie finale.

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Considérez vous la photographie comme une étape importante en Aquascaping et préparez vous méticuleusement vos prises de vues finales et avez vous une technique particulière?

Pour moi, la photographie finale est l’étape ultime : celle qui conclut la réalisation du paysage.  Tout du début jusqu’à la fin doit prendre en compte le rendu de la photographie finale. Pour cela, chaque temps de la réalisation, de la réalisation du hardscape en passant par l’entretien et jusqu’à la préparation de la photo finale doit être guidé par des clichés « intermédiaires » du paysage qui permettront les ajustements tout au long de l’évolution. Ces photographies intermédiaires vont également permettre à mes coéquipiers de la FACT de voir l’évolution et ainsi d’émettre toutes sortes de critiques. Cet avis extérieur est capital également et serait impossible sans l’utilisation de la photographie.

Pour revenir à la réalisation de la photographie finale en elle-même, il existe en effet une phase de préparation du paysage aquatique qui fait l’objet d’un nettoyage complet de toute feuille douteuse, d’un brossage des pierres pour obtenir un effet « patiné mais pas trop » et éventuellement d’une taille discrète des plantes qui en ont besoin. Les vitres sont également nettoyées et je rajoute du sable de Loire là où il n’y en avait plus assez pour faire ressortir certains détails « clés » en créant plus de contraste.

Ensuite, la photographie finale en elle-même nécessite beaucoup de travail également : elle est réalisée à deux personnes avec un appareil photo Reflex haut de gamme, un flash très puissant et une boîte à lumière au dessus de l’aquarium. Un diffuseur (papier calque) est également placé sur l’aquarium afin d’adoucir la lumière. Plus d’une centaine de cliché sont pris durant la séance et un seul est retenu à la fin… en espérant que les poissons auront bien voulu se mettre dans une position adaptée au paysage proposé…

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Vous êtes un des membres fondateurs de la FACT, ce collectif de paysagistes créé il y a peu. Pouvez nous dire ce que l’esprit de groupe apporte dans une démarche artistique solitaire?

Le fait d’évoluer en équipe apporte plusieurs choses : motivation, émulation, critiques constructives, convivialité. Tout d’abord, le fait de se trouver au sein d’une équipe qui regroupe les gens parmi les plus talentueux de la discipline en France induit dans mon esprit comme une obligation d’être «au niveau» du reste de l’équipe et me permet de me mettre un peu de pression sur les épaules quant à la réalisation d’un paysage de qualité. Cela me pousse donc vers l’avant de manière incontestable. De même, nous communiquons quotidiennement sur un groupe Facebook privé et chacun montre régulièrement ses projets, ses avancées, et ses photos finales. Cela permet clairement de maintenir ma motivation à un niveau important sur le long terme et ainsi d’éviter les fatales périodes de «relâchement prolongé» sur la maintenance du bac, périodes dont j’étais coutumier avant d’intégrer ce groupe. C’est le principe d’une équipe : «les autres avancent, donc j’ai envie d’avancer avec eux».

Enfin et c’est probablement le point le plus important, cela me sort de l’isolement, néfaste à terme, que provoque justement cette «démarche artistique solitaire». En effet, en restant isolé, on finit souvent par s’enfermer dans sa vision sans s’en apercevoir et on manque complètement de recul sur ses propres réalisations. A titre personnel, je suis parfois incapable de voir un défaut majeur sur mon paysage avant que un ou plusieurs de mes coéquipiers n’attirent mon attention dessus. C’était d’ailleurs le cas pour celui de 2014 et je sais bien que je n’aurais jamais eu autant de succès avec cette réalisation sans l’aide des autres designers aquatiques français. Je les en remercie pour ça.

En dehors de l’Aquascaping  avez- vous d’autres hobbys?

Oui. J’essaie d’être sportif et je pratique le football de manière hebdomadaire ainsi que la course à pied. J’apprécie également de jardiner quand le temps s’y prête.

Pour terminer notre entrevue, auriez  vous un conseil à donner à un paysagiste débutant soucieux de progresser? 

Il vous faut trouver votre propre manière de faire du paysage aquatique : ce qui vous plaît et qui est en accord avec ce que vous êtes. Puis, pour progresser, inspirez vous de ce que font les autres sans les copier.

Merci Julien !

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